Trois expositions parisiennes sur le Moyen-Âge

A la fin du printemps 2024 j’ai eu l’opportunité de parcourir trois expositions sur le Moyen Âge : la première sur Charles VII au musée de Cluny, la deuxième au Louvre autour du tableau la Vierge du chancelier Rolin de Jan Van Eyck  et la troisième à la Bibliothèque nationale de France sur les manuscrits et livres de la Renaissance, sur le site Richelieu.

Des expositions importantes car elles mettent à jour l’état de l’art sur la fin du Moyen-Âge. Elles étaient complètement différentes en volume d’œuvres exposées : le musée de Cluny proposait la plus grande surface et le plus de variété dans la nature des objets présentés, celle du Louvre était la plus petite et celle de la BnF n’exposait quasiment que des livres.

L’exposition du musée Cluny “Les arts en France sous Charles VII”

Partie de l’exposition au musée Cluny

était centrée sur les quarante années de règne de Charles VII (1422-1461).
Comparée aux deux autres expositions, elle présentait la plus grande diversité d’œuvres : sculptures, vitraux, peintures et évidemment manuscrits fournissaient une riche matière. La scénographie apportait également sa touche de spectaculaire entre les immenses tentures et le gisant en marbre d’Anne de Bourgogne (sœur de Philippe le Bon et épouse du duc de Bedford).
Pour l’occasion les fameuses Heures d’Etienne Chevalier aux grandes miniatures de Jean Fouquet étaient de sortie, ainsi que son portrait à l’huile de Charles VII. Beaucoup d’autres splendides miniatures ravissaient les visiteurs, comme les pleines pages de Barthélémy d’Eyck ou les marges végétales de Jean Haincelin.

Gisant du tombeau d’Anne de Bourgogne à l’exposition du musée Cluny

En guest star, le musée présentait la Pieta de Tarascon ainsi que le Tryptique de Dreux Budé d’André d’Ypres, reconstitué pour l’occasion à partir de panneaux conservés à Paris, Montpellier et Los Angeles.

 

 

Entrée de l’exposition “Trésor d’Oignies” au musée Cluny

En bonus, une petite exposition a attiré mes pas : le Trésor d’Oignies, venu de Belgique, composé de pièces d’orfèvrerie liturgique du XIIIe siècle. Entraînant les visiteurs dans un monde d’or, d’argent et de pierres précieuses étincelantes, les œuvres présentaient une grande minutie dans l’exécution et la scénographie permettait d’examiner de très près des plats de reliure en argent et le pied d’un calice en nielle (une technique de marqueterie de métal).

Vue sur une partie de l’exposition “Trésor d’Oignies” au musée Cluny

 

L’exposition du Louvre “Revoir Van Eyck”

mettait en valeur le tableau La Vierge du chancelier Rolin, restauré pour l’occasion. Le Louvre répond ainsi au projet de la Belgique qui travaille depuis 2010 à la restauration du retable de l’Adoration de l’agneau mystique de Gand. L’exposition parisienne contraste par sa petitesse avec le circuit mis en place à Gand et notamment le site internet qui propose la reproduction du retable en haute définition.

A Paris, une seule pièce du gigantesque Louvre était dédiée à l’exposition, dans une ambiance intimiste, puisque la lumière naturelle est totalement bannie pour protéger les œuvres.
La Vierge au chancelier Rolin est un petit tableau (66 x 62 cm) mis en valeur sur un socle placé au centre de l’exposition, autour duquel les visiteurs pouvaient circuler. Cela permettait d’examiner son revers, indice que l’oeuvre fut destinée à être regardée sous ses deux faces.

J’ai particulièrement apprécié la mise en perspective de ce tableau avec le Saint Luc peignant la Vierge de Rogier van der Weyden, peint vers 1434-1440, conservé à Boston. En le plaçant à droite juste derrière la Vierge du chancelier Rolin, la scénographie permettait aux visiteurs de constater d’un coup d’œil que les deux œuvres comportent un même décor d’arcades ouvrant sur un paysage, avec chacun deux personnages qui tournent le dos au spectateur.
Le catalogue d’exposition apporte des arguments convainquant sur la destination de l’œuvre, en opérant des rapprochements inattendus avec d’autres objets, comme les « reliefs épitaphes » présentés également dans l’exposition.

 

L’exposition à la BnF Richelieu

Vue sur l’une des salles d’exposition de la BnF Richelieu

“L’invention de la Rennaissance” est l’exposition qui comportait le plus d’objets exposés, majoritairement des manuscrits italiens du XVe siècle. La prépondérance des livres imposait la présence de grandes vitrines, donnant un aspect monolithique à l’exposition. Cependant ce qui aurait pu s’avérer décourageant était compensé par la présence régulière d’immenses reproductions d’enluminures ou la présence de sculptures, de tableaux et de gravures.
De fait, le catalogue d’exposition comporte 204 notices, c’est très imposant (Il est à noter cependant que 72 œuvres ne sont pas reproduites dans le catalogue).
Cette exposition s’étendait sur cinq salles de surfaces inégales, selon les cinq thématiques de l’exposition : « Le studiolo » ; « Pétrarque et la naissance de l’humanisme » ; « De l’étude de l’Antiquité au goût de l’antique » ; « Le savoir et la gloire » ; « De la bibliothèque humaniste à la bibliothèque princière ».

Vue sur l’une des salles d’exposition de la BnF Richelieu

J’ai ainsi découvert la richesse des marges des manuscrits italiens du XVe siècle, notamment les bianchi girari, ces circonvolutions de rinceaux blancs mises en reliefs par des couleurs vives. Ce sont des réserves de parchemin ou de papier, c’est-à-dire que les artistes ont peint autour des rinceaux, en négatif, à l’économie pourrait-on dire, et le résultat est saisissant.
Cette exposition traite une thématique historique tellement importante que le site internet de la BnF regorge de ressources informatives, dont une liste d’œuvres d’auteurs humanistes français accessibles en texte intégral directement dans Gallica.

 

Conclusion

Les expositions d’envergure nationale sur le Moyen Âge ne sont pas si fréquentes, aussi j’ai pleinement profité de mes visites. Nous sommes en décembre et je suis toujours en train d’étudier leurs catalogues d’exposition.
Leur grand intérêt est qu’elles couvrent les périodes relativement proches des XVe et XVIe siècles. Elles permettent donc des recoupements inédits.

Le musée de Cluny est un endroit très agréable et consacré entièrement au Moyen Âge : ainsi une fois sorti de l’exposition temporaire d’autres salles remplies de merveilles nous attendent.
Malgré les trésors qu’il renferme, le Louvre reste difficile d’accès en raison des queues infinies qui se forment même en pleine semaine, malgré une billetterie efficace. Puis une fois dans la place, c’est un véritable labyrinthe pas très bien balisé qui impose une visite au pas de course si l’on a prévu d’autres visites dans la journée.
La BnF Richelieu est un lieu à taille humaine et c’est surtout un espace d’étude, puisqu’elle abrite la bibliothèque de l’NHA (Institut national d’histoire de l’art). La présence de la boutique et du Jardin Vivienne conçu par le paysagiste Gilles Clément achève d’en faire un endroit où l’on peut se poser tranquillement et qui donne envie de revenir.

Clarisse Muller

 

Sites internet

LES ARTS EN FRANCE SOUS CHARLES VII, 1422-1461.
Exposition au musée Cluny (musée national du Moyen Âge), du 12 mars au 16 juin 2024
https://www.musee-moyenage.fr/activites/expositions/expositions-passees/exposition-charles-vii.html
(le site propose un dossier de presse qui reprend la liste des œuvres exposées)

MERVEILLEUX TRÉSOR D’OIGNIES : Éclats du 13e siècle.
Exposition au musée Cluny (musée national du Moyen Âge) du 19 mars au 20 octobre 2024
https://www.museedesartsanciens.be/collections/oignies-et-lorfevrerie-dhugo/

REVOIR VAN EYCK : La Vierge du chancelier Rolin.
Exposition au musée du Louvre, du 20 mars au 17 juin 2024
Dans l’aile Sully, 1er étage, salle de la Chapelle
https://www.louvre.fr/expositions-et-evenements/expositions/revoir-van-eyck
La fiche détaillée du tableau de Van Eyck dans les collections du musée :
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010061856

L’INVENTION DE LA RENAISSANCE : L’humaniste, le prince et l’artiste.
Exposition à la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, du 20 février au 16 juin 2024
Galerie Mansart – galerie Pigott
Le site internet propose de nombreux articles, des images et des vidéos pour compléter la visite :
https://www.bnf.fr/fr/agenda/linvention-de-la-renaissance

La base Gallica propose des reproductions des œuvres de la Renaissance classés par auteurs :
https://gallica.bnf.fr/html/und/litteratures/les-classiques-de-la-litterature-lhumanisme-de-la-renaissance


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Clarisse Muller (23 décembre 2024). Trois expositions parisiennes sur le Moyen-Âge. Trésor des bibliothèques municipales. Consulté le 16 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12zr9


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